La nouvelle avait fait sensation chez une partie des « éveillés », qui fustigeaient les médias depuis plus d’un an et demi, les accusant, à juste titre, de manipuler l’opinion sur tous les sujets entourant la crise du COVID19 : le 22 novembre 2021, Eric Zemmour avait déclaré qu’il mettrait fin au pass sanitaire s’il était élu Président de la République. Beaucoup pensaient avoir enfin trouvé leur champion, celui qui ferait trembler l’oligarchie, qui rétablirait la liberté et s’opposerait aux funestes ambitions des mondialistes.

Mais Eric Zemmour est-il cet homme providentiel qui va tenir tête aux réseaux de pouvoir qui mettent en oeuvre le Great Reset? Ou au contraire, n’est-il qu’une construction médiatique de ces mêmes réseaux, destiné à faire une OPA hostile sur la colère populaire? En bref, les éveillés ne seraient-ils pas en train de se faire endormir par le pouvoir profond?

Une vie d’employé de l’oligarchie médiatique

Ces informations étant faciles à trouver sur internet, rappelons simplement les faits principaux.

Eric Zemmour a travaillé pendant 26 ans, de 1996 à 2022, au Figaro et au Figaro Magazine, propriétés du groupe Dassault (complexe militaro-industriel français).

De 2010 à 2019, il a été chroniqueur et débatteur dans La Matinale de RTL.

De 2003 à 2014, il débat chaque semaine avec Christophe Barbier puis Nicolas Domenach dans l’émission ça se dispute sur I-Télé.

Il officie sur France 2 dans On n’est pas couché aux côtés d’Eric Naulleau à partir de 2006. Remerciés en 2011, les deux Eric poursuivent l’aventure sur Paris Première. Avouons-le, On n’est pas couché est devenue bien fade après leur départ.

Il fait son retour sur I-Télé, devenue CNews suite au rachat par le groupe Bolloré, en octobre 2019 dans l’émission Face à l’info, animée par Christine Kelly, tous les soir à 19h. Il y restera jusqu’en septembre 2021, après que le CSA a demandé de comptabiliser son temps de parole au motif qu’il devenait un acteur majeur du débat politique dans un contexte où la rumeur de sa candidature à l’élection présidentielle ne cessait de s’amplifier.

Que ce soit sur I-Télé, Paris Première ou CNews, il y a eu un vrai « effet Zemmour » sur les audiences. Les parts d’audimat de CNews avec Face à l’info ont littéralement explosé au point de dépasser BFMTV.

Eric Zemmour a donc toujours travaillé dans des grands médias, détenus notamment par deux oligarques majeurs des médias français, Dassault et Bolloré. Ce dernier lui a offert un vitrine extraordinaire pendant deux ans, le maintenant en poste malgré plusieurs polémiques qui auraient coûté leurs places à d’autres sur d’autres médias.

Si on peut y voir un point positif pour la liberté d’expression et un certain pluralisme politique, on ne peut que s’interroger sur les motivations d’une telle mise sur orbite de la part des réseaux Bolloré, proches de Nicolas Sarkozy. Vincent Bolloré avait d’ailleurs déjeuné avec Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy, ainsi que leurs épouses, en 2020.

On peut déjà se demander si un parcours professionnel aussi conformiste dans les médias oligarchiques est bien compatible avec la posture d’un homme providentiel qui inscrirait ses pas dans ceux du Général de Gaulle.

Une rencontre avec le président du Bilderberg

En juin 2021, Eric Zemmour a dîné avec Henri de Castries, ancien Young Leader de la French American Foundation (pour avoir une idée de l’influence de ce réseau mondialiste, je vous renvoie à mon article sur les Young Leaders et la Macronie), ancien patron d’Axa, président du think tank libéral Institut Montaigne et président du comité de direction du groupe Bilderberg. Le fin du fin de l’oligarchie mondialiste!

Trois autres patrons étaient présents à ce dîner:

  • Godefroy de Bentzmann, président de Syntec Numérique
  • Stanislas de Bentzmann, frère de Godefroy avec lequel il dirige Devoteam, société de conseil en innovation
  • Nicolas de Tavernost, patron du groupe M6 et probable patron du groupe TF1-M6 lorsque la fusion aura eu lieu

On imagine sans aucun doute que tout ce petit monde a parlé de réindustrialisation, de protectionnisme, des méfaits de l’euro pour l’économie française, de démocratie directe, de lutte contre la corruption de Big Pharma, du Great Reset, etc.

Un financement par des réseaux Macron-compatibles

Faire péter l’audimat partout où l’on passe ne suffit pas à faire campagne. Il faut aussi en organiser le financement et collecter les dons des militants et sympathisants, ce dont s’occupe l’association « Les amis d’Eric Zemmour« .

L’homme-clé du financement est Julien Madar, trésorier de l’association, 32 ans, ancien banquier d’affaire chez Rothschild et ancien élève de l’université de Columbia (New-York). La définition du programme économique est encadrée par Jonathan Nadler, également ancien de chez Rothschild passé chez JP Morgan.

Trentenaires parisiens au profil international issus des plus grandes banques d’affaires oligarchiques, recherche de fonds auprès de financiers en « costume et Stan Smith »… une ambiance « start-up nation » plus compatible avec l’électorat macroniste qu’avec la droite conservatrice.

En tout cas, une chose est sure, « il y a de l’argent ! » affirme Paul-Marie Coûteaux, ami d’Eric Zemmour.

Malgré une collecte de fonds qui semble bien se passer, Eric Zemmour n’a pas de parti derrière lui, ce qui pourrait poser problème pour boucler le financement. Situation semblable à celle d’Emmanuel Macron en 2017. Le recours à l’emprunt bancaire pourrait s’avérer nécessaire, et qui dit emprunt dit assurance emprunteur.

Le Canard Enchaîné a révélé qu’Eric Zemmour, tout comme Arnaud Montebourg, a contacté Pierre Donnersberg, fondateur de SIACI Saint-Honoré, société de courtage en assurance, filiale de Rothschild, comme le fit Macron en 2017.

Le profil de Pierre Donnersberg mérite qu’on s’y arrête rapidement. Brillant courtier autodidacte, il est habitué à travailler avec des politiques. Après avoir été décoré de la Légion d’Honneur par Bernard Kouchner en 2007, Pierre Donnersberg recrute l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy en 2010. Il est ensuite élevé au grade d’officier de la Légion d’Honneur en 2016 par Emmanuel Macron avant de lui obtenir une assurance emprunteur sur mesure grâce à laquelle il a pu emprunter les 8 millions d’euros qui lui manquaient pour boucler le financement de sa campagne. Le détail de l’opération avait été révélé dans les MacronLeaks. La rencontre avec Macron s’était faite par l’entremise d’Edouard Courtial, insignifiant député LR de l’Oise, qui avait connu le futur (pire) Président de la République en 2003 à la préfecture de l’Oise. Les deux hommes ont également en commun d’être Young Leaders de la French American Foundation (comme Précresse, mais on digresse) mais imaginer que cela ait joué dans ce réseautage relèverait bien évidemment du complotisme.

Une surreprésentation médiatique aux airs de déjà-vu

Au-delà des apparitions médiatiques évoquées précédemment, à savoir ses intervention directes en tant que débatteur ou éditorialiste, Eric Zemmour a vu sa surface médiatique (i.e. le temps pendant lequel on parle de lui) bondir en 2021.

Ainsi, en septembre 2021, Acrimed a comptabilisé 4 167 occurrences de « Zemmour » dans la presse française (agences et déclinaisons en ligne des titres de presse comprises), soit en moyenne 139 par jour, soit en moyenne environ une toutes les dix minutes (y compris la nuit).

L’opération de promotion avait commencé bien avant, avec des unes dans la presse hebdomadaire dès le mois de février, auxquelles s’ajoutent la presse quotidienne et la presse people.

N’oublions pas les sondages. Sur quatorze sondages parus de juillet à septembre sur les intentions de vote des Français à la prochaine élection présidentielle, douze ont testé la candidature d’Eric Zemmour… qui n’était pourtant pas encore candidat!

Cette exposition, rendue possible par Vincent Bolloré lui-même, a permis à Eric Zemmour en mai 2021 d’avoir onze heures de temps de parole, ce qui est plus que la somme des temps de parole de ses adversaires potentiels. Le podium est complété par Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron.

Quelqu’un qui, jusque très récemment, n’avait ni parti ni programme et n’était même pas officiellement candidat à l’élection présidentielle, ne peut bénéficier d’une telle visibilité médiatique sans que l’oligarchie ne soit derrière elle. Tout le parcours d’Eric Zemmour abonde dans ce sens.

Une question s’impose alors: quel est son rôle?

La captation et la division de la contestation populaire par un « infréquentable »

La révolte des Gilets Jaunes a été un événement majeur du quinquennat de Macron. Si cet incroyable mouvement de contestation sociale se voulait apartisan, ses participants avaient des idées et des sensibilités politiques très variées. Ainsi pouvait-on entrendre certains noms revenir de temps en temps mais, pour avoir été très impliqué dans le mouvement, je n’ai jamais entendu celui d’Eric Zemmour. Pourtant, on constate que Jacline Moureau (auteur du célèbre « Il est où le pognon? ») lui a apporté son soutien et que Benjamin Cauchy, après un passage chez Debout La France, l’a également rejoint et essaie de nous vendre « Les Gilets Jaunes avec Zemmour » (une loyauté digne d’Aurore Bergé).

Pas sûr que la sauce prenne, surtout en annonçant que les dépenses sociales nuisent à la compétitivité, qu’il faut allonger l’âge de départ à la retraite à 64 ans et qu’il n’y aura pas d’augmentation du SMIC. Des mesures antisociales imposées par les Grandes Orientations de Politique Economique (GOPE) de la Commission Européenne et la BCE, dont Zemmour ne parle jamais, et qui permettent de ne pas aborder l’impact négatif de l’euro, les profits sans cesse croissant pour les actionnaires ou encore l’évasion fiscale (notamment dans l’Union Européenne), bref des sujets impossibles à traiter quand on est sponsorisé par une oligarchie dont les Gilets Jaunes ne veulent plus.

Sur le front de la dictature sanitaire, le moins que l’on puisse dire est qu’Eric Zemmour cultive l’ambiguïté.

Celui qui a longtemps été très discret sur la question depuis mars 2020, possède lui-même un passe sanitaire, est vacciné et dit tranquillement que cela ne le dérange « pas plus que cela ». Il va jusqu’à estimer que le passe sanitaire n’est qu’une « habilité tactique d’Emmanuel Macron« , alors qu’il s’agit d’un élément central, stratégique, du Great Reset, le grand projet de la caste mondialisée pour laquelle « le COVID19 est une opportunité rare mais très étroite de repenser, réinventer et réinitialiser le monde ».

Encore plus fort, après avoir déclaré vouloir supprimer le passe sanitaire, point de départ de cet article, Eric Zemmour dit, quasiment dans la même phrase, que sa suppression n’est pas un engagement de campagne! « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent »… surtout quand il n’y en a pas.

Ces grands mouvements de contestation s’inscrivent dans une dynamique de révolte des peuples qui a abouti à la sortie de l’Union Européenne pour le Royaume-Uni (le Brexit) et à l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis. Des accidents de parcours « populistes » dont l’oligarchie veut à tout prix éviter la contagion.

Elle a d’ailleurs bien compris qu’elle peut être inquiète car une grande partie de la population est très critique vis-à-vis de l’Union Européenne et, malgré un score modeste, un candidat, François Asselineau, était même présent à l’élection présidentielle 2017 avec pour thème principal le Frexit, prérequis indispensable à toute réelle souveraineté (économique, monétaire, migratoire, …). Une preuve, après le référendum piétiné de 2005, qu’il y a une dynamique autour de ce sujet. Avec Zemmour, pas d’inquiétude sur ce front non plus, l’ambiguïté habituelle des souverainistes sera au rendez-vous: se revendiquer du Général de Gaulle en critiquant l’Europe, l’euro et l’OTAN mais ne surtout pas défendre le Frexit!

Le seul grand mouvement de contestation récent qu’Eric Zemmour pourrait légitimement représenter est la Manif Pour Tous. Coup de bol pour l’oligarchie, le sujet est extrêmement clivant. Pas de bol pour les électeurs, il semble avoir disparu. Il faut dire que plus les années passent, plus l’essayiste devient monomanique sur l’immigration et l’islam, autres sujets très clivants. Avec en miroir un Jean-Luc Mélenchon, lui aussi soudainement devenu anti-passe, qui parle de créolisation et veut inscrire la liberté de changer de genre dans la Constitution, nous sommes assurés que les antagonismes seront exacerbés entre anti-passes de tous bords.

Promouvoir Zemmour, personnalité clairement de droite et clairement bourgeoise, c’est donc l’assurance d’éviter la réalisation d’unions que le pouvoir ne veut surtout pas voir: union horizontale du peuple de gauche avec le peuple de droite d’une part, et union verticale des classes moyennes et populaires avec une forme de petite bourgeoisie (commerçants, artisans, petits patrons) d’autre part.

La recomposition de la droite

Avec Eric Zemmour refait surface le vieux serpent de mer de la recomposition de la droite. En effet, il a su attirer à lui des personnalités de divers courants: le LR Guillaume Peltier, le demi-souverainiste Philippe de Villiers (qui a fait semblant d’être un rebelle pour nous vendre son livre), le chrétien démocrate Jean-Frédéric Poisson ou encore l’identitaire Damien Rieu.

Mais le plus grand nombre de prises, et non des moindres, a été fait dans les rangs du Rassemblement National, avec notamment Gilbert Collard, Stéphane Ravier, Nicolas Bay et, en point d’orgue, Marion Maréchal (la voilà).

Entre Pécresse, qui ne se différencie de Macron que par le brushing, et Zemmour, qui prend des parts de marché à la PME bretonne Le Pen, l’élection présidentielle 2022 pourrait bien être celle de profonds changements à droite, comme le fut celle de 2017 à gauche. Une sorte de grand remplacement politique pour créer un pôle néo-conservateur.

La fable de l’éveillé qui vote Zemmour

Candidat issu du sérail sans expérience politique, soutien des réseaux mondialistes, médiatisation à outrance, l’opération Zemmour 2022 est en tous points comparable à l’opération Macron 2017.

Certains pointeront du doigt la récente censure de profils Twitter pro-Zemmour. Il ne s’agit que d’un moyen de contrôler la popularité d’un pion et de cliver les électeurs.

De même, la difficulté relative à collecter les 500 parrainages montre qu’il peut y avoir quelques anicroches mais cela reste bien faible devant la réussite globale de l’opération. Au final, cet opposant numéro un, ce candidat anti-système, a été sauvé par la douteuse banque de parrainages de François Bayrou, serviteur zélé du système. Tout est bien qui finit bien.

Alors quel sens cela a-t-il de voter Zemmour, quand on se dit « éveillé » car on pense avoir « tout compris » des manoeuvres oligarchiques derrière le COVID? Aucun.

Cela revient à voter pour une marionnette dont le but est de permettre la réélection de Macron. Et si par hasard il était élu, il ne représenterait aucun danger car il maintiendrait la France dans toutes les structures supranationales qui la privent de liberté de mouvement et serait l’obligé des puissances d’argent qui le soutiennent.

Eric Zemmour est donc un candidat pour rien, et son programme, un suicide français.