Cette troisième partie s’intéresse précisément à Transparency International France. Nous verrons comment ses liens avec ADP peuvent expliquer son silence dans une privatisation au parfum de scandale: celle de Groupe ADP.

Champ d’action

Transparency International France a reçu un agrément de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique en 2014. Elle intervient dans les domaines de la transparence du lobbying, de la prévention des conflits d’intérêts, de la protection des lanceurs d’alerte ou encore de l’indépendance de la justice.

Elle travaille notamment avec de grandes entreprises pour les aider à établir des chartes de lobbying : AXA, BNP Paribas, Crédit Agricole, Danone, GSK France, Lafarge, La Poste, SNCF, Société Générale, Thalès, Total SA. Ce travail a abouti à la rédaction de grands principes regroupés dans un guide pour l’élaboration d’une charte de lobbying, consultable notamment sur France Stratégie.

Tout cela laisse penser que TI France est à la pointe de la lutte pour la transparence dans les dossiers impliquant à la fois des acteurs publics et privés, par exemple des privatisations. A ce titre, il est intéressant de se pencher sur un exemple récent : la privatisation du Groupe ADP. Petit rappel des faits avec deux volets de cette affaire qui ont fait couler beaucoup d’encre : la préparation de la privatisation et l’absence de médiatisation du Référendum d’Initiative Partagée (RIP).

Groupe ADP: retour sur une privatisation aux multiples zones d’ombre

En décembre 2017, l’Agence des Participations de l’Etat a mandaté la filiale française de Bank of America pour préparer la privatisation. Cette filiale est dirigée par Bernard Mourad, ancien conseiller spécial d’Emmanuel Macron en 2016. Les deux hommes se connaissent depuis plus de 10 ans et se sont côtoyés lors du rachat de SFR par Patrick Drahi (nous ne reviendrons pas sur les médias que possède ce dernier).

Presque deux ans plus tard, l’absence de médiatisation autour du RIP, lancé le 13 juin 2019 par 248 parlementaires de tous bords (sauf LREM et le MODEM), a également suscité l’indignation. En effet, la direction de Radio France a refusé de diffuser un spot publicitaire financé par des parlementaires au motif que cela pourrait heurter les convictions politiques des auditeurs. L’argument est d’autant moins convaincant qu’ « en même temps » le groupe diffusait un spot sur la vente des actions de la Française des Jeux, ce qui pourrait heurter bien des sensibilités politiques !

Face à un argumentaire aussi pauvre, les vraies explications sur cette omerta médiatique sont peut-être à chercher ailleurs, du côté de l’organigramme. En effet, la Présidente Directrice Générale de Radio France, madame Sibyle Veil, est une camarade de promotion et amie d’Emmanuel Macron . De plus, Marc Endeweld nous apprend dans son livre « Le Grand Manipulateur » qu’elle a été reçue à l’Elysée deux semaines avant sa nomination. Son mari, Sébastien Veil, était dans l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron au groupe culture et média, et l’oncle de ce dernier, Jean Veil, est avocat d’ADP .

Les zones d’ombre ne manquent donc pas, ce qui devrait être de nature à alimenter la suspicion de conflits d’intérêts et à mobiliser une organisation de lutte en faveur de la transparence comme Transparency International France. Mais qu’en fut-il vraiment ?

TI France et ADP

Malgré les éléments énoncés précédemment, une recherche sur le site de TI France avec le mot-clé « ADP » ne renvoie aucun article lié à la préparation de la transaction ou à l’absence de médiatisation du RIP. Comment expliquer cela ? Tout comme pour Radio France, attardons-nous sur l’organigramme et plus particulièrement sur les personnalités composant le Conseil d’Administration au moment des faits :

  • Le Président est Marc-André Feffer, ancien conseiller au cabinet de Gaston Thorn (Président de la Commission Européenne de 1981 à 1985) puis artisan de la transformation de La Poste en société anonyme, ouvrant la voie à sa privatisation.
  • La secrétaire, Sylvette Toche, a effectué toute sa carrière dans le Groupe ADP ! Elle y a exercé diverses fonctions opérationnelles et transverses : gestion d’infrastructures complexes, marketing, stratégie, organisation, … Elle a œuvré à la réorganisation du groupe en vue de sa transformation en société anonyme et donc in fine de sa privatisation.
  • Un des administrateurs, Olivier Luneau, a travaillé pour Bank of America de 1976 à 1990 avant de rejoindre le groupe Lafarge où il a fini Directeur du Développement Durable et des Affaires Publiques.

On voit mal comment une telle équipe pouvait vouloir éclaircir les zones d’ombres autour du projet de privatisation de ce qui est un monopole de fait, un actif stratégique et une poule aux œufs d’or pour l’Etat français. De là à dire que Transparency fait dans l’opacité…

L’action de TI dans le domaine du lobbying semble donc avoir pour but d’institutionnaliser cette pratique douteuse en lui offrant un cadre légale, tout comme l’Union Européenne a offert un cadre légale à l’évasion fiscale en légitimant la libre circulation des capitaux vers des paradis fiscaux au sein même de l’UE.

Conclusion

Il est vrai qu’avec toutes les affaires qui avaient ébranlé La République En Marche peu avantl les municipales, Benalla et Goulard en tête, il semblait urgent pour ce mouvement de vouloir adopter une charte en faveur de l’éthique en politique.

Mais on ne peut que douter de la pertinence du choix de cette ONG euro-atlantiste, tant on constate que les chemins qui en partent mènent invariablement à l’oligarchie financière et au gouvernement américain, c’est-à-dire aux forces qui poussent à la construction européenne.

Tout cela ressemble au mieux à un amateurisme malheureusement trop fréquent chez LREM , même au sommet de l’Etat, au pire à une opération de « green washing » visant à redorer le blason d’un parti fantoche prenant l’eau de toutes parts, comme en attestent les démissions en cascade chez les parlementaires LREM .